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Une rupture conventionnelle signée pour fuir une situation de harcèlement sexuel est nulle. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation dans un arrêt du 4 novembre 2021 (Cass. soc., 4 novembre 2021, nº 20-16.550 F-D).
Une rupture conventionnelle doit reposer sur le consentement libre et éclairé de chacun. Autrement dit, elle ne peut en aucun cas être imposée par l’employeur ou le salarié.
Lorsqu’il est avéré que l’employeur a imposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail à un salarié, celle-ci n’est pas valable et les juges la requalifie en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 23 mai 2013, n° 12-13865).
Par ailleurs, si le salarié est au moment de la signature de la rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral et des troubles psychologiques qui en sont découlés, la rupture conventionnelle est annulée (cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24296 D).
C’est la position que vient de confirmer la Cour de cassation concernant des faits de harcèlement sexuel.
les faits : une situation de harcèlement sexuel dénoncée :
Une salariée alerte son employeur, le 30 octobre par téléphone et le 15 novembre par mail, de faits de harcèlement sexuel de son responsable.
A ce titre, elle lui fait part de faits précis et de son « désespoir », tout en lui demandant de faire cesser les comportements de son responsable.
L’employeur n’a pas répondu au mail de la salariée et n’a entrepris aucune action pour faire cesser la situation.
Le 19 novembre 2015, une rupture conventionnelle est régularisée.
La salariée saisit finalement le Conseil de Prud’hommes afin d’en demander l’annulation.
position de la Cour d’appel : annulation de la rupture conventionnelle pour vice du consentement :
Pour les juges d’appel, la salariée n’avait pas pu donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle intervenue moins de quatre jours après l’envoi de son mail visant à dénoncer la situation de harcèlement sexuel dont elle était victime.
Toujours selon la Cour d’appel, la salariée avait été placée dans une situation de faiblesse pouvant lui laisser penser, compte tenu de l’inertie de l’employeur, que d’accepter la rupture conventionnelle lui permettait de mettre fin à une situation insupportable dont les effets pourraient s’aggraver si elle se poursuivait.
En d’autres termes, pour les juges d’appel, la salariée n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter cette rupture.
La rupture conventionnelle est par conséquent annulée.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il invoque notamment le souhait de la salariée de conclure une rupture conventionnelle pour rejoindre son mari à Marseille, ainsi que la jurisprudence selon laquelle l’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié n’affecte pas en soi la validité de la rupture (cass. soc. 23 mai 2013, n° 12-13865).
Réponse de la Cour de cassation : existence d’une violence morale entraînant la nullité de la rupture conventionnelle
La Cour de cassation approuve l’analyse de la Cour d’appel.
Elle considère que l’existence d’une violence morale a vicié le consentement de la salariée :
« … Ayant relevé qu’à la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en œuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu’elle avait faîtes en sorte que celle-ci, qui se trouvait dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait, n’avait eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait pu donner un consentement libre et éclairé, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence d’une violence morale, a légalement justifié sa décision … ».
Par cette décision, l’employeur se voit, implicitement mais nécessairement, sanctionné pour ne pas avoir réagi suite aux faits dénoncés par la salariée.
A ce titre, on rappellera que l’article L. 1153-5 du Code du Travail dispose expressément que « … L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner (…) … ».
Par son inertie, l’employeur a donc manqué à son obligation de sécurité et de résultat.
Précisions :
La rupture conventionnelle invalidée par les juges produit ici les effets d’un licenciement nul.
En cas de nullité, la sanction est particulièrement lourde, puisque le salarié qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.
Dans cet arrêt, l’employeur a été condamné à verser les sommes de 4 597,34 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 459,73 € au titre des congés payés afférents, 766,21 € au titre de l’indemnité de licenciement et de 23 000 € à titre d’indemnité pour licenciement nul.
Maître Edith Dias Fernandes, Avocate à Amiens en droit du travail et en droit de la sécurité sociale, conseille et assiste régulièrement ses clients sur ce type de problématiques.
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